Prix Jean-Fanchette 2021- Les Mots du Coordinateur, Dr Issa Asgarally

Les Mots du Coordinateur, Dr Issa Asgarally

Votre Honneur le Maire, 

Mesdames/ Messieurs les Conseillers,

Mme Tania Diolle, Secrétaire parlementaire,

Mme Florence Caussé-TissierAmbassadrice de France

Monsieur Ramasawmy, Chief Executive p.i.,

Professeur Dhanjay Jhurry, Vice-Chancelier de l’Université de Maurice,

Dr K. Sukon, Directeur général et M. Raj Pentiah, Président de l’OUM,

Jean-Marie, Davina, 

Mesdames / Messieurs,

Le Prix Jean-Fanchette a déjà 29 ans ! 

Et cette année, c’est la 14e fois depuis 1992 que j’ai l’honneur et le plaisir de vous adresser la parole dans cette salle du Conseil.

Le Maire vient de rappeler les trois objectifs du Prix Jean-Fanchette. Comme l’auditoire n’est pas toujours la même au fil du temps, je voudrais revenir sur chacun de ses objectifs.

L’objectif d’honorer la mémoire de Jean Fanchette, psychanalyste, poète, essayiste, éditeur, est largement atteint. Car en 2021, soit plus de 29 ans après sa mort en 1992, on parle encore de lui. A l’Exposition qui se tient dans la salle de conférence, le public pourra voir, au cours de cette semaine, des livres de Jean Fanchette à la Bibliothèque municipale et quelques-uns que j’ai apportés, dont Identité provisoire, son recueil le plus important, à mon avis. Sans compter deux numéros de sa revue Two Cities, qu’il m’avait remis lors de notre dernière rencontre à Paris.

En ce qui concerne le deuxième objectif, encourager la création littéraire dans les îles de l’Océan Indien (Maurice, Rodrigues, Réunion, Madagascar et les Seychelles), les faits parlent d’eux-mêmes. De 1992 à 2019, les treize éditions ont accueilli 304 textes. Sur ces 304 textes, une quarantaine nous sont parvenus de l’Ile de La Réunion, de Rodrigues, des Seychelles, et de Madagascar. Par ailleurs, le Prix Jean-Fanchette a révélé des auteurs totalement inconnus et consacré ceux et celles qui l’étaient déjà. A l’Exposition, il est possible de voir les manuscrits primés qui sont désormais des livres et les 6 livres primés de 1992 à 2019… 

Pour ce qui est du troisième objectif du Prix Jean-Fanchette, donner à lire, je tiens à souligner que la plupart des manuscrits primés ont été publiés. Comme vous le savez, la moitié de la somme allouée au Prix JF est une aide à la publication du  manuscrit primé ou à l’achat d’un certain nombre d’exemplaires du livre primé pour les collèges de Beau-Bassin / Rose-Hill.

Cette année, nous avons reçu 22 textes en trois mois, entre le 15 janvier et le 15 avril. Et nous l’avons ouvert, comme en 2010, 2013, 2015, 2017 & 2019, à la fois aux manuscrits inédits et aux livres publiés depuis la dernière édition, pour pouvoir disposer d’un plus grand choix, puisque, vous vous en souvenez, le Prix n’a pas été attribué à 2 reprises, en 1992, sous la présidence de Michel Deguy, et en 2008, sous celle de JMG Le Clézio ! 

Je voudrais vous faire part ici d’une préoccupation constante du Jury du Prix Jean-Fanchette concernant les manuscrits sélectionnés, comme dans tout prix littéraire, mais non primés. En effet, il y a toujours six ou sept textes qui se dégagent du lot mais qui ne sont pas finalement choisis par le Jury. En 13éditions, cela fait environ 90 textes ! C’est dommage, car ces textes, pourraient être publiés – et devraient l’être — s’ils sont revus, réécrits parfois sous la direction d’un éditeur professionnel. Nous invitons donc d’une part, les éditeurs et les fonds d’aide à la publication, à soutenir la publication de ces textes, d’autre part les auteurs à oeuvrer pour que leurs textes ne tombent pas dans l’oubli.

Mesdames / Messieurs, je tiens à souligner trois points.

Je voudrais d’abord rappeler que le Prix Jean-Fanchette, créé par une municipalité comme une autre, n’est qu’une goutte d’eau dans le domaine culturel en général et le domaine littéraire en particulier. La culture à Maurice, je le dis souvent à cette tribune, est un énorme chantier où certains grands travaux, me semble-t-il, n’ont pas encore commencé. Par exemple, la démocratisation de l’accès à la culture, premier objectif d’une politique culturelle digne de ce nom. Voilà pourquoi la Formation pour l’Interculturel et la Paix (FIP), avec le soutien de quelques libraires, éditeurs et firmes de Maurice, a remis jusqu’ici des textes de fiction à un millier d’enfants démunis de Bambous, de Souillac, de Pointe aux Sables et de Rodrigues. Je voudrais citer ici ces phrases extraites du discours de Stockholm de J.M.G.Le Clézio qui a participé activement à cette remise de livres dans le cadre du projet « Livres pour tous » de la FIP : « Dans tout son pessimisme, la phrase de Stig Dagerman sur le paradoxe fondamental de l’écrivain, insatisfait de ne pouvoir s’adresser à ceux qui ont faim – de nourriture et de savoir – touche à la plus grande vérité. L’alphabétisation et la lutte contre la famine sont liées, étroitement interdépendantes. L’une ne saurait réussir sans l’autre. Toutes deux demandent – exigent aujourd’hui notre action. »

Monsieur le Maire, vous avez sollicité des propositions concrètes pour l’épanouissement culturel des Villes-sœurs. Je profite de cette tribune pour rappeler l’intérêt constant de J.M.G Le Clézio pour le projet d’un bibliobus qui desservirait les banlieues de Beau-Bassin / Rose-Hill, qu’il a pu voir au cours d’une visite. Il importe évidemment de saluer l’ouverture d’une bibliothèque de proximité dans la banlieue de Camp Levieux.

De tels projets sont d’autant plus importants que l’avenir de la lecture et du livre ne semble guère rayonnant. Dèjà l’Etude pluridisciplinaire sur l’exclusion à Maurice que j’avais coordonnée en 1996/1997, à la demande du Président de la République, révélait que 70% de la population mauricienne ne lisaient pas un seul livre par an. En France, à la même époque, il était de 40%, selon une enquête de « Livres Hebdo ». On a pu avoir les chiffres en 2019, car j’ai dirigé, avec le soutien du National Arts Fund, une enquête nationale sur « Les pratiques culturelles et les industries culturelles émergentes à Maurice ». La bonne nouvelle, c’est que ce pourcentage de 70% a baissé sensiblement…

Ce qui importe, c’est que les gens lisent. S’ils ont recours à des tablettes numériques pour le faire, il ne faut pas s’en alarmer. Comme Robert Darnton, directeur de la Bibliothèque universitaire de Harvard, et Umberto Eco, je pense que le livre papier ne va pas disparaître. Pas de si tôt. Et que le manuscrit, le livre papier et le livre électronique vont coexister. A la question d’un journalistelors d’une émission télévisée, « Faut-il donner une tablette ou un livre papier à un jeune ? », j’ai répondu : « Les deux. Et une tablette de chocolat ! »

Il n’y a pas que les livres. Je salue le projet de la Mairie de créer une Galerie Serge Constantin pour accueillir la production foisonnante des artistes d’ici et d’ailleurs. Par sa localisation au coeur de la ville de Rose-Hill, cette galerie deviendrait, comme l’ancienne Galerie Max Boullé, très vite l’un des centres de la vie culturelle à Maurice. En attendant, la Salle de conférence accueille certaines expositions. Et comme l’a souligné le Maire, s’y tiennent en ce moment même une Exposition de livres de / sur Jean Fanchette et de textes primés & publiés, et une Rétrospective de la ville de Beau-Bassin / Rose-Hill..

Avant de terminer, permettez-moi de vous dire deux mots sur le Plaza auquel je suis profondément attaché. C’est dans ce théâtre que j’ai eu le privilège de suivre une représentation d’une pièce de mon frère, Azize, assis dans les coulisses, côté jardin, à l’endroit exact où tombent les rideaux, c’est-à-dire entre la scène et la salle. D’un côté, je voyais les acteurs, de l’autre, le public ! Ce soir-là, j’ai compris autant de choses sur le théâtre que ce que je trouverai plus tard au cours des études universitaires. Mais s’il faut rénover le théâtre, ce n’est pas uniquement pour le passé. L’avenir, que vous avez mentionné Monsieur le Maire, c’est la nomination d’un directeur de théâtre avec un Cahier des charges qui comprendrait un programme annuel avec une exigence de 50% de reprises et de 50% de créations. Et un système d’abonnement, comme au Théâtre Lucernaire Forum à Paris, pour que les diverses catégories sociales (jeunes, ouvriers, personnes du troisième âge, etc.) puissent fréquenter le Plaza, pour que ce beau théâtre ne soit pas inaccessible par le prix. 

Mesdames / Messieurs, vous voyez bien que la culture à Maurice est un énorme chantier. Le Prix Jean-Fanchette de la Mairie de Beau-Bassin / Rose-Hill et le projet « Livres pour tous » de la Fondation pour l’Interculturel et la Paix, ne sont que de petites constructions sur le chantier de la culture. 

Je voudrais remercier ceux et celles qui ont aidé à réaliser le prix Jean-Fanchette 2021 (Fiction & Non-fiction).

En premier lieu, le Maire de Beau-Bassin / Rose-Hill et les Conseillers.

Le personnel de la Mairie, en particulier le Chief Executive, le Financial Controller, les responsables de la bibliothèque municipale…

M. Gilbert Espitalier-Noël, directeur du groupe Beachcomber qui soutient – ce n’est pas la première fois —  le Prix Jean-Fanchette 2021. 

M. Shakti Jogoo, l’ami parisien, qui s’occupe comme toujours de l’acheminement des textes vers J.M.G. Le Clézio.

Et mon épouse, Sarojini, qui  contribue grandement à l’organisation du Prix Jean-Fanchette, et qui m’a donné l’idée en 1998 de demander à J.M.G. Le Clézio de présider le Prix.

Avant de passer la parole au Président du Jury qui nous lira son Rapport, je voudrais vous rappeler qu’il a lui-même publié 2 livres depuis la dernière édition du prix JF : Quinze causeries en Chine (2019) et Le flot de la poésie continuera de couler (2020). Dans le premier livre, il dit aux étudiants chinois à l’université de Nanjing que la municipalité d’un petit pays a créé un prix littéraire…

Je vous remercie de votre attention.